À toi mon autre révolu,
Du futur, je t’observe faire le récit des étincelles de février 2015 à notre journal en disant:
« Cher journal des émotions,
Le souvenir de ce jour de prise de décision délicate est encore vif dans ma mémoire. Le 27 novembre 2014, en rédigeant l’e mail dans lequel je déclinais la proposition d’embauche pour un contrat permanent, je savais que je posais un acte que je pourrais regretter. Suite à la recommandation d’une amie, j’avais obtenu deux entretiens que j’ai réussi. Au moment de donner mon accord pour le contrat qui devait commencer le 5 janvier 2015, je renonçai.
Des signes annonciateurs que je pouvais prétendre à un poste avec une mission plus passionnante, avaient contribué à ce refus risqué. Un appel téléphonique d’une entreprise me présentant le travail de mes rêves me remplit d’enthousiasme sur mon potentiel. J’étais conscient qu’ils ne me recruteraient peut-être pas. Mais ce fut un encouragement pour patienter. Après tout, j’ai un travail, me disais-je. Le 6 janvier 2015, l’annonce de la délocalisation de mon service vint s’abattre sur moi et mes collègues. Pourtant, j’aurais pu commencer un contrat permanent hier, regrettais-je.
Cependant, il me fallait faire en sorte de ne pas me tordre de regrets. Assumer pleinement mes décisions et prendre par les cornes le taureau nommé « présent » est l’un de mes principes. Même si j’ignorais comment, je savais que la course contre la montre pour trouver un nouveau travail en deux mois sera gagnée. Début février, au paroxysme de la pression, découvrir les étincelles qui m’attendaient fut une confirmation que ma vie était écrite avant ma naissance.
Les responsables de l’entreprise de sous-traitance qui nous employaient jusqu’à présent pour fournir des services à Microsoft nous annoncèrent qu’ils venaient de remporter un nouveau contrat avec le plus grand réseau social : Facebook. Je postulai à toutes vitesses à l’un des postes à pourvoir pour cette nouvelle mission. Lors de l’entretien trois jours après, je découvris qu’ils recherchaient des candidats pour commencer au début du mois de mars. Dans l’obligation d’arrêter ma mission avec Microsoft le 27 février, l’échéancier était parfait.
Le vendredi 13 février, alors que les résultats de mon entretien étaient attendus pour le début de la semaine suivante, l’ironie du sort me fit l’un de ses clins d’œil dont il est le seul à tenir le secret. La directrice de notre service, celle envers qui une bonne partie de mon amertume et celle de tous mes collègues était dirigée, pour nous avoir ostensiblement menti et manqué de respect, vint me prendre à part à la fin de la journée. Afin que je passe un bon weekend, elle tenait à m’informer officieusement à l’avance que mon entretien avait été réussi. Je remerciai le ciel pour cette étincelle. Pour la première fois de ma vie, une personne que je méprisais m’apporta une excellente nouvelle. Le sourire intérieur que dessina ce clin d’œil de l’ironie du sort reste indélébile.
L’entretien de recrutement pour ce poste chez Facebook restera certainement l’un de mes meilleurs souvenirs professionnel. À la sortie de tous mes entretiens précédents, j’avais le sentiment de les avoir plus ou moins réussi. Cette fois, j’ai eu l’impression de survoler de bout en bout l’entretien. Une sensation inédite. Le fait que mon recruteur du jour soit un homme très avenant a sans doute contribué à cette réussite. Depuis mon arrivée à Dublin en février 2013, il y a deux ans presque jour pour jour, je n’ai eu de cesse de postuler pour des postes dans le marketing, l’un de mes domaines de préférence. Aucun des recruteurs sollicités n’avait consenti jusqu’à présent me donner la moindre chance, ne serait-ce que pour un entretien. Il me fallait saisir cette chance que j’ai attendu pendant deux ans. Avec le recul, je ne regrette pas cette longue attente car je sais qu’elle en valait la peine. Mes deux derniers emplois au sein de HP et de Microsoft, dans des domaines qui m’enchantent peu, à savoir le support informatique et la logistique, se sont révélés être des préparations insoupçonnées pour le travail que j’attendais. Ce que j’y ai appris en matière de service client et de maîtrise de la sous-traitance au sein de multinationales va me servir pour réussir dans ce poste. Par ailleurs, mon expérience de marketing pour mon ouvrage sur le plus grand réseau social fut mon meilleur atout lors de cet entretien mémorable.
Evidement, tout est loin d’être rose sur le tableau de ma nouvelle étape professionnelle. Mon statut de non-permanant que stipule le contrat me garde dans une certaine précarité à bien des égards. Cependant, cela ne m’empêchera pas de compter mes bénédictions. Par exemple, pour la première fois de ma vie, dans une expérience professionnelle je vais apprendre à maîtriser des outils qui seront les fers de lance de la réussite de mes futures publications de roman. »
Ouvrir les yeux sur tes bénédictions à ce moment crucial fut une approche convenable. Cependant, avec le recul d’une année, je trouve dommage que ces étincelles de ton mois de février 2015 ne t’aient pas permis de pardonner à cette directrice. Du futur où je t’observe, je peux te garantir que la liste des personnes sans scrupules comme elle s’allongera inlassablement sur ton chemin. Et le moins tu t’arrêteras sur le mépris qu’elles t’inspirent, le mieux tu te porteras. Par ailleurs, continue à compter tes bénédictions. C’est sain et ça te permet d’en tirer le meilleur.