À toi mon autre révolu,
Du futur, je t’observe évoquer l’éclipse de mars 2015 dans notre journal en disant:
« Cher journal des émotions,
À 9h30, mes collègues se précipitèrent à la fenêtre pour regarder la ville plongée dans le noir. En cette matinée du vendredi 20 mars 2015, nous vivions la première éclipse solaire depuis seize ans. Un phénomène de la nature qui attise la curiosité de tous. Nous qui aimons avoir un beau soleil illuminer nos journées, pourquoi sommes nous cependant émerveillés d’observer celui-ci être caché par la lune ? Cela pourrait s’expliquer en partie par le fait que ce soit un événement rarissime, et surtout parce qu’il ne dure que quelques minutes.
En observant Dublin être couverte de ce voile sombre en quelques instants, je n’ai pu m’empêcher de faire l’analogie avec l’éclipse personnelle que je venais de vivre quelques jours auparavant. Elle a duré une semaine. Sept jours de trop malheureusement. Mais la manière par laquelle je me suis débarrassé de ce voile sombre, pour éclaircir le ciel de mon moral, fut riche en enseignements. C’était cinq jours avant cette éclipse solaire. Un dimanche après-midi, où en quelques minutes j’ai réussi laisser un soleil briller à nouveau de mille feux dans ma vie. Avec un peu d’assistance.
Avoir sa motivation abattue, son esprit miné par des ondes négatives, c’est parfois comme être atteint physiquement d’une maladie. D’ailleurs, il n’est pas rare que le premier état entraine le deuxième, et vice versa. À peine je m’étais tordu de douleurs physiques et morales pendant quelques jours, que j’eus cette impression d’avoir oublié ce que ça fait d’être en bonne santé avec un état d’esprit conquérant. Une impression récurrente dans ce genre de moment. Face à ce drame de la nature humaine qu’est la mémoire qui efface lorsqu’elle ne transforme pas, j’eus la chance de bénéficier d’un coup de pouce. En ce dimanche, une amie constatant mon état lamentable, eut le réflexe de me rafraîchir la mémoire. Elle évoqua les discussions que nous avions eues le dimanche d’avant lorsqu’elle était venue me tenir compagnie en attendant mon vol pour Dublin. Ce jour-là, j’avais été celui qui s’était fendu de tentatives de démonstrations constructives pour essayer de lui remonter le moral. Et là, quand ce fut à mon tour d’avoir le moral à zéro, elle m’administra en quelques sortes le remède que j’avais imaginé pour elle une semaine avant. Il m’a fallu une poignée de minutes pour me rappeler ce dont j’avais besoin pour me remettre sur les bons rails.
Je décidai du plan d’attaque pour enclencher mon cercle vertueux des ondes positives. C’est une recette que je connais sur le bout des doigts tellement je l’ai appliquée. Ce fut cependant la première fois qu’elle produisait des résultats aussi probants en si peu de temps. Ma formule imparable pour aller bien quand tout va mal tient en quelques mots : passer du temps avec mes bébés de manuscrits en me pressant le cerveau. Pour appliquer une telle formule une discipline rigoureuse est de mise. Alors sans attendre je mis en place un nouveau programme qui commençait le lendemain. Et pour être dans les meilleures dispositions pour ce rendez-vous, il me fallait un autre ingrédient de la recette : lire un auteur qui pratique une si belle poésie narrative qu’elle produit des étincelles dans mon esprit. À ce moment, j’avais sous la main le livre parfait pour la situation. Toute cette combinaison élaborée en quelques minutes chassa de manière instantanée toutes mes ondes négatives. La perspective du lendemain, ainsi que l’anticipation du plaisir de la lecture que j’étais sur le point d’avoir, illuminèrent mon esprit. Mon éclipse prit fin.
Cinq jours plus tard, après avoir vécu l’éclipse solaire, je fis le vœu que mes futures éclipses de moral soient brèves. Comme celles du soleil, elles sont certes nécessaires et inévitables, car elles me permettent de me rappeler la chance que c’est d’avoir une vie ensoleillée. Mais moins elles s’étalent dans le temps, mieux je me porte. »
Pour t’éviter de longues éclipses de moral, ton voeux ne suffira pas. Celles qui t’attendent en fin d’année vont te frapper durement. Et ce sera tant mieux. Comme dirait l’un de mes poètes préférés : »On ne sait pas de quoi on est fait avant d’avoir été brisé ». Après cette fin d’année 2015, tu seras mieux armé pour raccourcir tes éclipses. Car tu auras appris à pérenniser un bonheur qui ne dépend de personne d’autre.