Les communions d’octobre et de novembre

Cher journal des émotions,

Il s’agit probablement d’un rituel universel. Jusqu’à présent, j’ai vu et entendu des villes communier avec leurs équipes sportives aux quatres coins du globe. Personne ne peut nier le caractère fédérateur du sport que ce soit au niveau national ou au niveau local. Un caractère qui montre cependant des limites. Car les communions d’un public avec son équipe sportive ne transcendent pas toujours les différences dûes aux appartenances ethniques ou aux catégories sociales. Il existe malheureusement des histoires de rixes entre des supporters d’une même équipe dans certaines régions du monde.

Mon premier amour en terme de sport a été le basket-ball. En grandissant en Afrique et en Europe, voir les stars de la NBA jouer était un rêve qui me semblait si inaccessible que je ne m’y attardais pas. Ma seule préoccupation était de pouvoir regarder la rediffusion de matchs pendant la journée. Car je n’avais pas le luxe de les regarder en direct . Pas seulement à cause du décalage horaire. Le prix des chaînes de télévision qui diffusaient le championnat américain de basket avait sa part de responsabilité.

En aménageant à Toronto, la tristesse de ne plus pouvoir regarder des matchs de foot de qualité était immense. Cependant, la consolation de pouvoir visionner les matchs de NBA en direct était considérable. En arrivant en juin, le hasard nous fît déposer nos valises dans le voisinage du stade des Blue Jays, l’équipe de base-ball de la ville, et de l’Arena des Toronto Raptors. Durant tout l’été, l’engouement de la ville pour ses Blue Jays me semblait démesuré. Trois à quatre fois par semaine, je voyais défiler des milliers de supporters arborant la tunique bleu pour aller ovationner leur équipe. Beaucoup m’expliquèrent que chaque habitant réserve une place particulière dans son coeur à chacune des équipes sportives de la ville. Il me tardait de voir la saison de NBA débuter en octobre.

Le jour J fut un vendredi de fin octobre. Le deuxième match des Raptors était notre première occasion de découvrir l’ambiance des salles de la NBA. Le spectacle sur et en dehors du terrain était un régal. Entre les deux derniers finalistes de la conférence Est, l’affrontement fut âpre et teinté de suspense. Nous nous sommes délecté de tous les détails qui font la singularité de cette expérience. Un certain nombre de détails qui ne sont pas souvent perceptibles lorsque l’on regarde le match à la télévision. Je me suis rendu compte à quel point les voix des commentateurs masquent une partie de l’ambiance dans la salle. À la télévision, on devinerait difficilement que les phases d’attaque de l’équipe à domicile sont rythmées par des extraits de morceaux hip-hop à la mode. Ce qui pimente le spectacle et contribue à créer une symbiose entre le public et son équipe, car les encouragements se font entendre à tue-tête. Dès que l’équipe adverse attaque, les efforts pour défendre sont partagés avec toute la salle qui donne de la voix en entonnant le terme “Défense! Défense!” entrecoupé par quelques notes musicales de type film de suspense. En ce qui concerne les temps morts, les pauses entre les quart-temps et les mi-temps, le spectacle ne s’interrompt pas. Des danseurs, des danseuses, des DJs, des chanteurs et la mascotte des Raptors assurent le spectacle sans lésiner sur les moyens. Ce qui semble logique vu comment la soirée débute. Effectivement, c’est avec un feu d’artifice que le spectacle s’ouvre juste avant la présentation des équipes.

Transcendés par cette première expérience, moi et ma partenaire ne pouvions pas nous empêcher d’y retourner. C’est ainsi que nous avons garni notre agenda de trois nouvelles visites au Air Canada Center. Le plus fabuleux aura été d’assister à l’opposition entre les Raptors et les Warriors. J’en croyais à peine mes yeux. Je m’amusais à compter le nombre de joueurs sur le terrain ayant déjà inscrit leurs noms dans la postérité de ce sport. La saison dernière, cette équipe des Golden State Warriors a décroché le record absolu du plus grand nombre de victoires en une saison NBA. Et leur entraîneur Steve Kerr a sur son CV de joueur l’équipe des Chicago Bulls avec laquelle il a aussi écrit l’histoire aux côtés de sa majesté Michael Jordan. Être en présence d’autant de légendes du basket ne pouvait qu’être impressionnant. Ils ont déroulé leur jeu fluide et quasiment sans déchets. Mais ça ne nous a pas empêché de soutenir à l’unisson notre nouvelle équipe de coeur.

Chaque soirée que nous avons passé dans la salle des Toronto Raptors était une occasion d’admirer l’aspect cosmopolite de la ville. C’est sublime de voir toutes les communautés internationales de Toronto représentées dans ces communions avec les Raptors. Personne ne semble s’arrêter sur l’origine ou la religion de son voisin. Nous portons tous les couleurs et le slogan de l’équipe “We the North”. Et c’est merveilleux de réaliser que le supporter emblématique est un indien qui ne quitte pas son turban Sikh et son maillot des Raptors. Il assiste à tous les matchs au premier rang, bondit de son siège à chaque action et se fait prendre en photo à la mi-temps avec les autres supporters qui semblent le considérer comme la deuxième mascotte. Aujourd’hui, je vibre à chaque match des Raptors même en les regardant à la télé. Ces communions d’octobre et de novembre ont assurément renforcé mon attachement à cette ville.

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