Une exploration salutaire

Chère Victoire Tuaillon,

Votre podcast « Les couilles sur la table » est d’une fraîcheur intellectuelle salutaire. Les analyses des masculinités, que vous y faites avec vos invités, percutent de pertinences pour s’ériger en chef d’œuvre au fil des épisodes. Les pistes de réflexion qui y sont semées ont fait fleurir en moi une libération inattendue. Par la même occasion, le désir de témoigner de mon expérience bourgeonna.

Adolescent, j’étais un garçon qui se savait différent de ses pairs. Ma timidité et mon introversion laissaient place à une liberté euphorique lorsque je me confiais à mon journal intime. Le confort savouré à travers ma quête intérieure par les mots se devait d’être le plus discret possible à mes yeux. Le poids des injonctions sociétales me poussa à protéger mon journal intime d’un mot de passe hyper complexe, dont je ne serai pas en mesure de me souvenir des années plus tard. Ma volonté était d’éviter que quelqu’un découvre que je faillissais aux normes de la virilité, en me livrant à une démarche supposée être féminine. Une fois adulte, je me suis mordu les doigts pour ce choix de verrouiller mes notes d’adolescent, car j’aurais aimé les relire. C’est ainsi que je me suis promis de ne plus craindre autant d’être jugé.

Aussi anecdotique que soit cette expérience, elle m’a aidé à assumer mes différences. Ma préférence pour un thé glacé dans un bar, lorsque tous les hommes autour de moi commandent une bière, a été sujet de persiflages que j’ai accepté avec le sourire. Mes amitiés sincèrement partagées avec des femmes m’ont valu des incompréhensions. Cela malgré que je démontre que ces relations sont basées sur la profondeur de l’existentialité et dépourvu de désir sexuel. Avoir grandi avec des modèles féminins qui m’ont forgé émotionnellement et intellectuellement a façonné le regard que je porte sur toutes les femmes.

En consacrant sa carrière à l’accompagnement et au conseil des femmes qui se lancent dans l’entreprenariat, ma mère m’a insufflé le respect de toutes les femmes. Très tôt, j’ai appris à déconstruire l’absurdité de la hiérarchie supposée des genres. Par ailleurs, à 11 ans, une de mes aubaines fut d’être inspiré par ma sœur, à son insu, pour tenir un journal intime et goûter aux délices des quêtes intérieures. Puis, ce sont ses cadeaux de livres qui m’ont amené aux plaisirs de la lecture et à la fascination de l’art du roman. Alors que les lectures scolaires obligatoires étaient synonymes d’ennui.

De l’ennui, il n’en a pas été toujours question durant toute ma scolarité pourtant. Les étincelles de Mme Grange et de Mme Chenevez, qui ont permis ma révolution de la pensée sont inoubliables. Ces dames furent respectivement mes professeures de sociologie et de philosophie. Elles m’ont initié à l’exercice de la déconstruction des normes sociales auxquelles nous sommes tous soumis. Ce qui permet de s’en libérer pour tenter de mener des réflexions qui soient les plus personnelles possible. Ces deux enseignantes m’ont offert de précieux outils pour apprendre à penser par moi-même. C’est ainsi que je me suis souvent attelé à m’analyser à travers le spectre des cultures qui m’ont construit.

Si la question du genre n’a pas été au centre de ces réflexions jusqu’à présent, c’est parce que je n’avais pas conscience de son impact sur mon identité. Et suite au mouvement #MeToo, je ne me comptais pas parmi ces hommes qui devaient se remettre en question au sujet de leur participation aux inégalités hommes – femmes. Je me pensais exempt de reproches. C’était sans me douter que mon intimité était truffée de relents de sexisme inconscient.

Votre podcast, chère Victoire, m’a ouvert les yeux sur les mécanismes des clichés de la virilité. Vous m’avez offert des outils pertinents pour analyser mon identité à travers le prisme des genres. Je suis reconnaissant pour cette exploration salutaire que vous m’avez permis de mener. Depuis que je vous écoute, je recommande votre podcast à tous mes amis. Et je ne cesse de remercier ma collègue et amie qui m’a fait découvrir « Les couilles sur la table ».

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