La page blanche contournée

Tant de conversations s’engagent par une question vidée de son sens : « Comment vas-tu ? ». La réponse apporte rarement un éclairage sur comment va réellement une personne. Car cette réponse sort aussi machinalement que la question. Mon aversion pour les échanges superficiels m’a mené à adopter des alternatives : « À quoi as-tu souri aujourd’hui ? », « As-tu eu de nombreux déclencheurs de sourires aujourd’hui ? » ou « De quoi as-tu hâte aujourd’hui ? ». Ces questions m’ouvrent une porte dans le quotidien émotionnel de la personne avec laquelle je souhaite développer une connexion.

Remplacer l’automatisme de demander comment va une personne, par la simple et profonde question sur ce qui l’a fait sourire, est une démarche remplie de vertus. Le principal avantage étant que la conversation qui en découle, apporte de la clarté sur comment va véritablement une personne. Une telle pratique est propice à des réponses réfléchies, sur des éléments précis. Voici comment créer un raccourci, pour une connexion profonde avec des amis ou des connaissances. Si la personne avec laquelle je tente d’amorcer un échange profond n’est pas disposée à partager avec moi ce qui a embelli sa journée, je le prends avec le sourire. Car, j’espère déclencher une introspection, aussi brève soit-elle. Souvent, avant de décider d’y répondre ou pas, la personne cherche ce qui a été l’objet de ses sourires. Ainsi, se catalyse la connexion avec soi-même.

Être en phase avec ses émotions peut s’avérer être un besoin vital. Conscient ou inconscient. La dépendance aux technologies s’accompagne d’une submersion quasi-permanente de marées d’informations. Les injonctions de la vie aux rythmes accélérés, nous éloignent insidieusement de la connexion à nous-même. Des amis auprès desquels je vante assidûment les mérites de l’écriture, désirent parfois s’y mettre, mais me disent être angoissés par la page blanche. Le concept de traduire en mots les émotions, est près de les séduire. Mais ils ne savent pas par où commencer. C’est ainsi qu’ils m’ont demandé quel était mon rapport avec la peur de la page blanche. De ma longue liste d’angoisses, celle de la page blanche y est exclue, telle fut ma réponse. C’est un stress qui se contourne allègrement.

Notre cerveau traite en permanence des tonnes d’information. Accéder aux données pertinentes d’une situation précise, à un instant spécifique, est un défi constant de l’existence humaine. Quel que soit le sujet sur lequel une personne souhaite s’exprimer, lorsque la décision est prise et qu’une feuille blanche est saisie, il est certain que des idées sur ce sujet ont déjà émergé auparavant dans l’esprit de la personne. La page blanche est une notion sortie de l’imagination. Une personne ne part jamais du néant pour écrire. C’est pourquoi il me semble que cette angoisse de la page blanche est fondée sur du sable. Une astuce simple me permet de contourner ce blocage imaginaire : ne pas m’assoir devant une feuille blanche. Au fur et à mesure que les idées me viennent au cours de mes journées et mes nuits, je les note sans les détailler. Cela me prend moins de temps que celui qu’il me faut pour répondre à un message d’un ami. Cette étape des premières réflexions capturées au vol s’étend parfois sur des semaines. Quand vient le moment de rédiger mes pensées, je me retrouve devant une liste d’idées qu’il ne me reste plus qu’à structurer, puis articuler. À ce moment, une pléiade de nouvelles idées en découle, reléguant au rang de chimère, cette fameuse angoisse de la page blanche.

En revanche, des discussions peuvent aisément être assimilées à des cousines de la page blanche. Lorsqu’elles s’engagent par des questions vidées de sens. C’est à se demander pourquoi nous nous obstinons dans la facilité des échanges mécaniques, certes teintés de politesse, mais dont nous n’apprenons rien. Et si nos conversations étaient amorcées de manière créative ? Des manières qui appellent des réponses significatives. Nous avons tant à gagner du pouvoir de la symbiose entre les émotions d’autrui et les nôtres, entre nous et nos propres émotions.

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