Les mille vallées à l’horizon – 1ère partie

Avril 1994. La folie humaine à son paroxysme assena des coups saillants au cœur de l’Afrique. La barbarie a fait saigner le Rwanda une mer de sang et noyé ses enfants dans un chagrin incommensurable. Que l’obscurité jetée sur le peuple rwandais ne subjugue jamais la lumière vitale de sa culture, tel est le souhait porté par les enfants du pays des mille collines. Ne jamais oublier les nôtres, arrachés à la vie, est une responsabilité absolue. Leur rendre hommage en menant des vies dont ils seraient fiers est un devoir passionnant.

Du paradis, nos frères, nos sœurs, nos parents, nos oncles, nos tantes, nos cousins et nos cousines ont-ils pardonnés à leurs bourreaux ? Il est fort probable que nos disparus ne restent pas prisonniers d’une haine si destructrice. Nous en libérer à notre tour pour nous tourner vers la beauté de ce qui a marqué leurs vies pourrait être un merveilleux cadeau à leur offrir. Au cœur des mille vallées, ne cessons jamais de faire pousser les graines de la finesse culturelle semées par les nôtres. Soyons debout, marchons la tête haute et faisons découvrir au monde les richesses de la civilisation rwandaise. Œuvrons pour que les regards portés sur notre pays ne s’arrêtent pas aux sommets des mille collines. Faisons explorer les sublimes profondeurs de nos mille vallées à nos amis.

Ces amis dont la présence fut essentielle lorsque nos plaies étaient encore béantes et que nous essayions de compter nos morts. Parfois l’absence de corps apporta une épaisse couche de complexité à nos tentatives de deuils, tiraillés entre l’espoir que nos biens aimés puissent réapparaître et les macabres récits entendus à leur sujet. La barbarie qui s’est abattue sur nous, aussi atroce fut-elle, n’allait pas nous ôter notre humanité. Nous nous devions de trouver le courage de cicatriser nos plaies. Dans cette douloureuse épreuve, nos amis à nos côtés sont devenus notre famille, nous rappelant à quel point les hommes et les femmes sont capables du meilleur malgré le pire.

À l’horizon, nous ferons pencher les balances de nos vies vers ce qu’il y a de meilleur en notre peuple. La liste des richesses qui nous unissent est bien plus longue que celle des sentiments qui pourraient nous éloigner. Et nos amis qui ont séchés nos larmes, en nous tenant la main sur notre chemin de guérison, sont les bienvenus au cœur de nos vallées. Nous leur réservons des places d’honneurs à nos célébrations de mariage, là où notre identité culturelle s’exprime pleinement. Là où les parents des mariés se font représenter pour les prises de parole solennelles. Ce qui est parfois considéré, par approximation, comme une manifestation de leur pudeur légendaire. Cette coutume consistant pour des parents à se faire représenter par des porte-paroles, illustre le symbole du mariage rwandais comme étant l’union entre deux familles. Le message patriarcal porté par des membres de la famille autres que les parents, est une métaphore pour signifier que les familles s’étendent au-delà des parentés. La traditionnelle solidarité familiale des sociétés africaines s’exprime ici d’une manière lyrique. Le lyrisme du pays des mille vallées se dessine aussi dans la maîtrise de l’art oratoire de ces porte-paroles des familles, qui romancent avec talent la vie de ceux qu’ils considèrent aussi comme leurs enfants. Au fond, le pays des mille collines est un village avec des familles liées les unes aux autres par une culture abondante et profonde.

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10 réponses sur « Les mille vallées à l’horizon – 1ère partie »

  1. Kami Runyinya

    Ooh! Quel magnifique texte avec des tournures de phrases, du vocabulaire sublimes! Bravo Ngabo! Vous, les artistes de la plume, nous faites voir les choses d’un autre angle et le plus souvent constructif! Encore bravo 👏👏👏!

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  2. Dorah

    Très beau texte inspirant force et courage à toute personne confrontée aux épreuves de la vie. Ngabo tu fais bien de nous rappeler que le plus beau cadeaux à ceux /celles qui sont entré dans la vie éternelle, est de mener notre vie ici bas de telle sorte qu’ils soient fiers de nous. Oui c’est un devoir qui nous grandit,nous épanouit. Bravo Ngabo, ta plume nous trace de belles lignes

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  3. Consolée

    Très beau texte , on devrait tous se battre à essayer de rendre fière nos parents, frères et sœurs disparus au lieux de nourrir une haine qui nous détruit, j’aime beaucoup ta façon de voir les choses. Bravo à toi et merci de nous rappeler les choses qui sont importants qu’on oublie souvent .

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